Plateformes de Crowdsourcing et marché du savoir – Segmentation du marché

Nous lançons ce blog sur un dossier consacré aux plateformes de Crowdsourcing (1) positionnées sur le marché du savoir, de la compétence et de l’expertise. Nous nous intéressons à trois types de plateformes : les sites de Questions-Réponses, les places de marché de prestations intellectuelles à distance, les places de marché d’externalisation de la R&D encore appelées plateformes d’ Open Innovation (2). Ce type de plateformes connaît aujourd’hui un regain d’intérêt.

Un dynamisme certain

De nombreuses opérations ont eu lieu ces deux dernières années autour des sites de Q/R : rachat de Fluther par Twitter, de Aadvark par Google, levée de fonds de 11.5M$ par Formspring,  de 20M$ par Chacha, de 11M$ par Quora. Ces opérations donnent une idée des enjeux actuels autour des sites sociaux de Q&R ou des sites de Q&R sur mobile. Dans le même temps, des acteurs historiques, Answer.com le « géant »  et  JustAnswer.com une startup moins connue, enregistrent toujours de très solides revenus.

Les places de marché de prestations intellectuelles à distance ne sont pas en reste. Le fondateur et CEO de Freelancer.com a été élu entrepreneur de l’année 2011 en Australie par BRW magazine. Le site est classé par Alexia dans le top250 des sites mondiaux. Odesk.com est classé à la 286ème place dans le top500 des entreprises à plus forte croissance aux USA par Inc.com en 2010, avec une croissance de 1058% entre 2007 et 2010. Ces sites enregistrent des revenus dépassants les 50M$.

Innocentive, la place de marché d’Open-Innovation a reçu près de 25M$ d’investissements depuis son lancement en 2001. Après une longue phase « d’évangélisation du marché », elle commence aujourd’hui à générer des profits.

Le paysage français connaît aussi un dynamisme certain en la matière. Skilling.com, site positionné sur les Q/R de type expertise-conseil, prépare son lancement pour la rentrée. Codeur.com, une place de marché d’offres de missions à distance pour Freelancers orientée NTIC, a enregistré une croissance de près de 50% entre 2009 et 2010. Presans et Hypios, deux plateformes d’open-innovation lancées respectivement en 2010 et 2009 essaient de trouver leur voie sur le marché.

Segmentation du marché et positionnement de quelques sites de référence   

Nous avons porté sur le diagramme à bulles ci-dessous, en abscisse la gamme de prix associée à la prestation et en ordonnée le profil du demandeur ; P = particulier, sB et mB = petites et moyennes entreprises, bB = grands groupes. La taille de la bulle représente le CA annuel réalisé et la couleur de la bulle la maturité du site concerné.

Marchés du savoir - Knowledge markets - CA

Légende 

Pour être exhaustif et couvrir toute la gamme de prix des prestations, on doit élargir le concept de « marché du savoir » à toute tâche réalisable à distance ; auquel cas Amazon Mechanical Turk,  se positionne sur la gamme de prix $0,1. Le site permet de faire réaliser des micro-tâches mécaniques et répetitives, comme cliquer sur des liens ou établir des listing exhaustifs, par un grand nombre de « prestataires » en simultané. La rétribution des « prestataires » par micro-tâche est de l’ordre de quelques centimes de $. Le site couvre l’ensemble du spectre P, sB, mB, bB. Le CA évalué du site est compris entre $30 000 et $100 000. Le concept n’a jamais vraiment décollé malgré plus de 10 ans d’existence. De même Bananask.com, se positionnerait sur la gamme de prix $1. Le site propose un système de Q/R et de réalisation de tâches simples sur des sujets ad-hoc voire loufoques. Les demandeurs sont en majorité des particuliers. Ces deux sites n’ont pas rencontré le succès escompté. En effet, le traffic du site Amazon Mechanical Turk n’a jamais vraiment décollé malgré plus de 10 ans d’existence tandis que l’activité de Bananask est quasi-nulle depuis mi-2009.

On note que les performances en terme de CA des plateformes de prestations intellectuelles à distance sont nettement supérieures à celles des plateformes de Q/R et des places de marché d’Open Innovation ( la discussion porte sur les sites ayant atteint un niveau de maturité > 5 ans ). En effet, Freelancer et Odesk génèrent un CA  plus de 2 fois supérieur au CA de Answer et plus de 10 fois supérieur à celui d’Innocentive. Le CA réalisé par Innocentive reste relativement modeste malgré plus de dix années d’existence et le bénéfice d’un fort buzz autour de l’Open Innovation ces dernières années.

Dans les prochains posts du dossier, nous passerons en revue les business models de ces 3 types de plateformes en nous attardons sur les modèles économiques des places de marché de prestations intellectuelles à distance et des plateformes d’Open Innovation. Cf. sommaire du dossier.

Notes

(1)  Ces plateformes sont associées au concept de Crowdsourcing dans la mesure où le demandeur fait appel à une « communauté » pour répondre à une question, réaliser une tâche ou proposer une solution à un problème donné. On parle de « Paid Crowdsourcing  » lorsque les membres de la communauté sont rénumérés pour les services rendus, qu’ils opèrent de manière individuelle ou sur un mode collaboratif. C’est le cas ici pour les places de marché de prestations intellectuelles à distance et les places de marché d’outsourcing de la R&D.  Le concept de Crowdsourcing s’est tellement développé, qu’il existe aujourd’hui de multiples classifications +/- parfaites sur le sujet. Sans entrer dans le débat, notons que les plateformes citées ici entrent dans la catégorie « Crowd Casting » telle que définie par J. Howe.

(2) L’Open Innovation est un concept dont le chantre fut H. Chesbrough.  On parle d’Open-innovation ou « d’innovation ouverte » lorsque les entreprises, principalement des grands groupes, intégrent dans leur processus d’innovation et de mise sur le marché de nouveaux produits leurs partenaires, fournisseurs, éventuellement leurs concurrents, des laboratoires institutionnels ou organismes de recherche indépendants, des experts externes ; l’idée étant de créer autour de l’entreprise un écosystème riche favorisant la collaboration, l’émergence de nouvelles idées et opportunités. Cette vision va à l’encontre de la méthode traditionnelle consistant à travailler dans le plus grand secret, au sein de centres de R&D fermés, en s’apppuyant uniquement sur les compétences et capacités internes.

Les concepts de Crowdsourcing et d’Open innovation ne sont pas disjoints : une entreprise peut recourir dans son processus d’Open-innovation au Crowdsourcing en lançant par exemple un Appel d’Offre à destination d’experts externes sur une place de marché électronique.

Les questions posées sur ces plateformes d’Open-innovation vont aujourd’hui au-delà de la R&D et touchent des sujets de sociétés. Les services de la plateforme sont par exemple ouverts aux ONG.

(4 commentaires)

  1. Shai Ache,

    Merci pour votre très intéressant dossier sur un pan d’Internet en émergence et encore si peu exploré en France malgré un potentiel socio-économique impressionnant. J’apprécie particulièrement l’infographie qui en un tableau croise 6 types d’informations (Clientèle, gratuit/marchand, CA, domaine, type, localisation). Vous n’avez en revanche pas mentionné Elance.com et Guru.com qui sont des ténors, ni les acteurs du graphisme qui sont autant actifs que décriés.

    J’ajouterai juste une petite précision qui a son importance: Skilling est bien plus qu’un acteur de Q/R. Les fonctionnalités de publication et de suivi des demandes intègrent systématiquement la création, le pilotage et la validation de livrables. On peut aussi bien poser juste une question ou commander une prestation en bonne et due forme d’une durée allant jusqu’à 30 jours.

    Encore merci pour ce travail concis et efficace qui ne demande qu’à être largement diffusé.

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  2. Bonjour et bravo pour votre dossier qui montre que l’intermédiation de prestations intellectuelles est un véritable et vaste marché, en pleine construction, ou de nombreux acteurs commencent à émerger, notamment dans les pays anglo saxons ou les contrats de travail sont plus « souples ». J’ai personnellement développé OPTEAMIS (http://www.opteamis.com) qui se développe énormément sur le marché des prestations informatiques ( +4 M eur prev. en 2012) après trois années à construire la plateforme techno, sourcer les prestataires (4200 sociétés TPE, 6000 freelance), et mettre en place le bon business modèle (100% au résultat, pas d’abonnement)

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